Discours lors de la ligne de piquetage du 10 juin contre la crise du logement

Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est pour montrer notre solidarité avec les personnes et les familles qui se cherchent un logement et qui ne sont pas capables d’en trouver un qui convient à leur besoin. Pourtant, le Canada adhère à des conventions internationales au niveau des droits sociaux dont celles qui concernent le logement convenable. Mais quand il s’agit de mettre en œuvre des politiques publiques, ça ne vaut pas cher la livre. On trouve que, pour un pays qui se dit un des plus riches au monde où il fait bon vivre, ne pas être capable de se retrouver dans un logement convenable, un logement qui n’est pas un trou avec de la moisissure, des bibittes, des murs mal isolés et à un coût qui convient à son budget, ça ne devrait pas être chose commune. Notre demande est donc très simple et devrait aller de soi. On veut un logement convenable pour tout le monde le 1er juillet.

Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de la crise du logement qui sévit au Québec, et plus particulièrement dans la région du grand Montréal, région qui comprend évidemment Laval. Beaucoup de gens savent, s’ils n’écoutent pas les nouvelles, ce que signifie concrètement la crise du logement sur le terrain. Le premier ministre Legault et sa ministre Laforest affirment qu’il n’y a pas de crise du logement mais qu’ils prennent  toutefois les mesures pour s’en occuper : position assez paradoxale en elle-même. Ceux qui ont l’argent pour louer des condos sont en mesure de croire nos politicien.ne.s. Ce n’est pas le cas de ceux qui peinent à arriver et qui la connaisse trop bien la situation déplorable du logement. Nous sommes tellement habitués de vivre dans la crise du logement que cela nous apparait comme un horizon difficilement dépassable, voire qu’il est normal de se retrouver dans des logements non convenables. C’est ça qui n’est pas normal.

Si la situation des locataires était déjà précaire en 2019, la pandémie a sérieusement aggravé la condition des personnes mal-logées ou itinérantes, et ce, de manière dramatique. Il est aujourd’hui plus que jamais évident que les liens entre le droit au logement et la santé mentale et physique sont indissociables.

Commençons par regarder le prix des logements au Québec. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) nous dit que le loyer moyen au Québec est de 800$ par mois. Si c’est peut-être vrai quand on considère l’ensemble des logements qui sont occupés depuis plusieurs années et dont les prix ont peu changés ou les logements en région qui sont souvent plus abordable, n’importe qui étant ou ayant été à la recherche d’un logement dernièrement peut confirmer que les logements disponibles sont beaucoup plus chers que ça. Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a justement fait une étude pour avoir une vision plus juste du marché locatif. Les données qu’avance leur étude se base sur plus de 60 000 annonces de logements disponibles à travers le Québec. Leur constat est univoque : le prix moyen des logements à louer se situe entre 1000 et 1100$ par mois, soit 30% plus cher que le loyer moyen de la province.

À Montréal la situation est encore pire. L’écart entre des 4 et demi loués et ceux qui sont mis sur le marché est de 46% supérieur. Le 4 et demi loué coûte 895$ alors que celui qui est mis sur le marché qu’on le trouve sur Kijiji ou le journal ou internet, il est de 1304$. À Laval, l’écart est de 150%. Je tiens juste à vous rappeler que le montant du chèque d’une personne sur le programme de solidarité sociale est d’au mieux 1298$/mois. Il ne reste pas grand-chose sur le chèque si on doit se payer un tel loyer au prix moyen.

À Montréal, la dernière augmentation de loyers aussi importante remonte à 2003 où elle était à 4,7% en moyenne. En 2020, l’augmentation des loyers dans la métropole était de 4,6% en moyenne. On voit bien comment il est important d’agir rapidement.

Mis à part la hausse drastique des loyers, le taux d’inoccupation demeure très bas presque partout au Québec à l’exception de Montréal où il a doublé. Mais y’a pas de quoi se réjouir, parce que ce sont les loyers les plus dispendieux qui sont devenus disponibles sur l’île, les logements abordables ayant environ le même taux d’inoccupation que le reste de la province. Dans certaines villes, ce taux frôle même le 0%, ce qui signifie que pratiquement aucun logement n’est disponible.

Et c’est exactement sur cette double vague que constituent la hausse du loyer et la baisse de disponibilité des logements que surf les propriétaires malintentionnés pour s’en mettre plein les poches aux dépens des plus démunis d’entre nous. Les logements étant rares, ces vautours montent les prix sans crainte de n’avoir personne à qui louer. Pour ce faire, ils détournent les règles en expropriant injustement des locataires ou en profitant de l’ignorance de ceux-ci quant aux lois qui encadrent la location au moment de renouveler leur bail, et ainsi peuvent monter les prix comme bon leur semble. Actuellement, des propriétaires sont prêts à retirer pendant un an des logements du marché si le loyer mensuel est trop bas avec l’idée qu’après cette année, en faisant semblant de faire des petites rénovations, ils pourront louer le logement au double de ce qu’il était. Il y en a d’autres qui se foutent complètement de la loi et s’essayent. Malheureusement, ils réussissent leurs crocheries.

Tous ces éléments agissent simultanément sur la population et contribuent grandement à l’appauvrissement des ménages locataires partout au Québec et à l’enrichissement outrancier et éhonté des capitalistes sans scrupules.

En plus de tous ces facteurs jouant sur les plus vulnérables, la problème de la discrimination systémique au logement est bien loin d’être chose du passé. Les annonces ouvertement discriminatoires ne sont pas rares et les propriétaires qui, à la vue de personnes venant pour une visite, déclare malhonnêtement que le logement est déjà loué. Les locataires sont à risque de subir de la discrimination à partir de la recherche d’annonce juste qu’à la signature du bail. Cette discrimination rendant encore plus difficile pour les plus vulnérables de trouver un logement peut porter sur le fait d’avoir des enfants, la condition ou la classe sociale, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle ou l’expression de genre du candidat. C’est vrai que si on n’a des preuves pour démontrer la discrimination, on peut poursuivre le propriétaire discriminant. Mais beaucoup ont appris à discriminer sans se faire pogner. Sans représailles sérieuses envers les propriétaires fautifs, ces pratiques demeurent courantes et contribuent au maintien, voire à la solidification d’un système discriminatoire envers de nombreux locataires.

Mais existe-t-il des solutions pour résorber la crise? Plusieurs intervenant.e.s en proposent. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas s’en rapporter aux lois du marché pour espérer régler la situation puisque le coût du logement augmente beaucoup plus vite que le revenu moyen. Pour évaluer si un marché du logement est en équilibre, c’est-à-dire qu’il ne favorise ni le locataire ni le propriétaire, on dit que le taux d’inoccupation doit tourner autour de 3%. Si le taux est supérieur à 3%, le locataire sera favorisé et le prix des loyers pourrait baisser ou du moins ne pas monter trop vite. Par contre, depuis le début des années 2000, le taux d’inoccupation a rarement dépassé 3%. Cela veut dire que la partie propriétaire a presque toujours été favorisé et que le marché est biaisé en leur faveur.

Cela veut dire qu’il appartient aux politicien.ne.s municipaux, provinciaux et fédéraux de prendre des décisions afin de résorber la crise. Le RCLALCQ demande l’instauration d’un registre public des loyers pour que le locataire sache ce que l’ancien résidant payait pour être en situation de négocier avec toute l’information pertinente disponible. On demande aussi un contrôle des loyers, contrôle obligatoire et réel. Il est aussi loisible d’imposer des surtaxes aux propriétaires qui louent à des prix excessifs pour les punir de leur comportement anti-social.

On sait aussi qu’il manque des logements à coût abordable pour les gens à faible revenu. Il faut donc plus de logements sociaux, que ce soit des HLMs, des coops d’habitation ou des OSBLs. Mais voilà, le prix des terrains et les coûts de construction augmentent. Pourquoi cette hausse? On le sait que c’est lié à la prolifération des condos. Tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas un nombre suffisant de logements sociaux, les politicien.ne.s devront avoir le courage politique d’imposer un moratoire sur le condo, en particulier sur ceux les plus luxueux. Cette mesure aura l’avantage de limiter la spéculation du coût des terrains mais aussi quand il s’agit de faire affaire avec des contracteurs de la construction, ceux-ci ne chargeront pas des prix de fous pour la construction du logement social. Une fois qu’on aura accumulé un nombre suffisant de logement social, on pourra envisager une politique d’inclusion et reconstruire du condo. Par ailleurs, si les politicien.ne.s tiennent absolument à rendre accessible la propriété, il existe plusieurs modèles différents qui ont l’avantage de ne pas contribuer à la flambée du coût des terrains.

L’an passé, avec la COVID, on a été chanceux et des logements sont réapparus sur le marché locatif parce que leurs propriétaires ne pouvaient pas les louer en AirBNB aux touristes.  Là aussi, il faudrait que les politicien.ne.s regardent la situation et prennent des mesures pour là aussi mettre un moratoire jusqu’à ce qu’on ait fait en sorte que tous les locataires puissent avoir accès à un logement convenable.

On l’a dit, il y a beaucoup de propriétaires véreux qui ne mettent pas en location des logements. Qu’est-ce qui est fait pour faire un recensement de tels logements? Certains sont salubres et pourraient être loués dès maintenant. Aucun logement salubre ne devrait rester inoccupé. Des mesures doivent être prises maintenant.

Comme il y a une pénurie de logements, des propriétaires en profite pour ne pas faire le minimum et laisse leur logement dépérir tout en collectant des loyers à des prix effarants. De tels propriétaires délinquants qui ne respectent pas leurs locataires devraient se faire retirer leur bâtisse pour les transformer ensuite en logements sociaux. Si la Ville n’est pas au courant de l’article 122 de la Loi des Cités et Villes donnent cette possibilité à la Ville. C’est une expropriation d’utilité publique qui a beaucoup plus de sens que celles qu’elle fait actuellement afin de créer des parcs à chiens pour les bourgeois dans l’entrée de ville comme c’est  présentement le cas à Laval.

L’imagination que les politicien.ne.s affichent pour faire des cadeaux aux riches devraient servir pour améliorer la situation des plus pauvres. Ils et elles sont payés pour adopter des lois et règlements. Nous ne sommes pas des experts comme eux sont supposés l’être. Des organismes font des propositions qui semblent avoir bien du bon sens. Pourquoi ne pas en tenir compte au lieu de nier qu’il y a une crise du logement?

Ce dont on est certain, c’est que la situation déplorable du logement, et on le sait parce qu’on la vit. On veut que des mesures sérieuses soit prises ici à Laval, dans la région de Montréal et dans toute la province. Nous référer à des sites web, ce n’est pas suffisant. Des promesses de faire du logement social, alors qu’on ne créer même pas les conditions nécessaires pour y parvenir, ça revient à créer des embûches pour empêcher d’en faire. Ou bien on travaille pour fournir un logement convenable pour tout le monde ou bien on travaille pour les grosses poches qui continuent à spéculer et faire de l’argent sur le dos du peuple. Il est temps qu’on tienne compte de la réalité populaire et qu’on agisse en conséquence.