La pandémie et l’obligation de porter un masque dans les lieux publics fermés

par Denis Chartier, conseiller en défense des droits

Vous n’êtes pas sans savoir qu’à cause de la pandémie qui sévit partout dans le Monde, il est maintenant interdit, au Québec, d’entrer dans un espace public fermé sans porter un masque.

En fait, le premier ministre du Québec a annoncé par le Décret 810-2020 qu’à compter du 18 juillet 2020, il est interdit à l’exploitant d’un lieu public fermé d’y admettre une personne de 10 ans et plus qui ne porte pas un masque, cela pour protéger la santé du public pendant la pandémie que nous subissons présentement.

Ainsi, jusqu’à nouvel ordre, il est interdit à l’exploitant d’un lieu public fermé de laisser pénétrer une personne sans masque dans un commerce de détail, un centre commercial, un bâtiment ou un local où est exploitée une entreprise de services, incluant une entreprise de soins personnels ou d’esthétique, un restaurant ou un bar, un lieu de culte, un lieu où sont offerts des activités ou des services de nature culturelle ou de divertissement, un lieu où sont pratiquées des activités sportives ou récréatives, une salle de location ou un autre lieu utilisé pour accueillir des événements, incluant des congrès et des conférences, ou pour tenir des réceptions, un lieu où sont offerts des services municipaux ou gouvernementaux, une aire commune, incluant un ascenseur, un établissement d’hébergement touristique, un bâtiment ou un local utilisé par un établissement d’enseignement, à l’exclusion d’un établissement qui dispense des services d’éducation préscolaire ou des services d’enseignement primaire ou secondaire de la formation générale des jeunes, une gare de train ou d’autobus, une gare fluviale, une station de métro ou un aéroport, ainsi qu’un cabinet privé de professionnel. De même, depuis le 22 juillet 2020, le Décret 813-2020 étend cette interdiction à l’exploitant d’un service de transport collectif par autobus, minibus, métro, bateau, train ou avion.

Ces décrets établissent aussi que l’exploitant de l’un de ces lieux qui admettrait une personne qui ne porte pas un masque serait passible d’une amende de 400$ à 6000$. On peut donc comprendre que les exploitants de ces lieux ont tout intérêt à n’admettre aucune personne qui ne porterait pas le masque et qu’ils pourraient donc devoir recourir tout à fait légitimement à la force policière pour faire expulser une personne qui ne porterait pas un masque.

Notons que la personne qui refuserait de porter un masque dans l’un de ces lieux publics n’est pas concernée par cette infraction et ne risque donc pas de se voir imposer une amende, elle risque donc tout au plus de se voir refuser l’accès à ces lieux. Cependant, la personne qui n’obtempèrerait pas à l’ordre des forces policières de quitter les lieux pourrait être inculpée d’entrave à la justice et, là, se voir imposer une amende…

Bien évidemment, de cette obligation juridique de l’exploitant de ne pas admettre une personne sans masque résulte une obligation de fait de porter un masque pour toute personne qui veut être admise dans un lieu public fermé. Cette obligation de fait constitue bien évidemment une atteinte au droit à la liberté de la personne, à la liberté d’expression et au droit au respect de la vie privée prévus dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et liberté de la personne.

Néanmoins, ces droits ne sont pas absolus et leur exercice peut faire l’objet de certaines limitations. Effectivement, la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et liberté de la personne permettent, sous certaines conditions, de déroger à ces droits, notamment, si cela se justifie comme c’est le cas dans le contexte de la pandémie actuelle.

Bien évidemment, certaines personnes pourraient être plus incommodées que d’autres par cette obligation de porter un masque, notamment des personnes en situation de handicap. Heureusement, le Décret 180-2020 prévoit notamment une exception à cette obligation de porter le masque, laquelle permet à l’exploitant d’un lieu public d’admettre une personne ne portant pas de masque si cette personne a une condition médicale qui l’en empêche.

Ainsi, une telle personne n’aurait qu’à déclarer à l’exploitant d’un lieu public que sa condition médicale l’empêche de porter un masque pour que cet exploitant soit obligé de l’admettre dans le lieu public qu’il exploite, sans même qu’il lui soit nécessaire de le prouver ou même de se justifier à cet exploitant.

Bien plus, suite à cette simple déclaration, ce serait alors l’exploitant de ce lieu public qui brimerait l’exercice, en pleine égalité, des droits de cette personne en situation de handicap s’il ne l’admettait pas dans son commerce ou même s’il se livrait à une investigation intempestive pour la forcer à s’expliquer ou à se justifier. Bien entendu, cette personne qui déclarerait que sa condition médicale l’empêche de porter un masque devra être de bonne foi pour exercer un recours pour discrimination fondée sur son handicap à la Commission des droits de la personne.

Cet exploitant pourrait même, dans certains cas, devoir rechercher un accommodement afin de ne pas porter atteinte indûment au droit de cette personne en situation de handicap d’exercer ses droits et libertés en toute égalité.

Bien entendu, il ne faut pas s’attendre à ce que tous les exploitants accueillant des personnes dans un lieu public soient parfaitement au courant de cette exception à l’obligation de refuser les personnes qui ne portent pas de masque. Ainsi, la personne en situation de handicap qui déclarerait avoir une condition médicale qui l’empêche de porter un masque doit s’attendre à fréquemment rencontrer des exploitants qui, de toute bonne foi, ignore cette exception.

Cette personne devrait donc s’attendre à fréquemment faire ‘’oeuvre d’éducation’’ auprès des exploitants À cet effet, nous ne saurions donc trop recommander à une personne dont la condition médicale l’empêche de porter un masque d’avoir en main une copie de ce fameux Décret 180-2020 … Bien que cette personne n’en ait aucune obligation, elle pourrait aussi présenter un rapport médical, ne serait-ce que d’une page, pour rassurer l’exploitant.

Notons aussi qu’en vertu des nouvelles exceptions prévues par le Décret 813-2020, d’autres personnes sont aussi exemptées du port du masque, notamment celles qui ont un trouble cognitif, une déficience intellectuelle, un problème de toxicomanie ou un trouble du spectre de l’autisme. Notons aussi que ces exceptions ne s’étendent pas aux interdictions prévues dans les nombreux autres décrets, notamment ceux pourtant sur les rassemblements dans des lieux publics extérieures, de la distanciation de deux mètres et du couvre-feu.

Il s’agit sans aucun doute d’une situation juridique complexe qui nécessite dans son application de tous les jours une explication calme et sereine. Rappelons-nous que même lorsqu’une personne est dans une situation juridique qui lui donne raison, elle n’a jamais le droit pour autant de recourir à la force ou à la violence, ni de s’opposer à un ordre direct des autorités policières, quitte, subséquemment, à entreprendre les recours appropriés si ses droits n’ont pas été respectés.

N’hésitez pas à communiquer avec nous au besoin pour plus d’informations ou pour obtenir une copie du Décret 810-2020 et du Décret 813-2020 au : 450 668-1058