par Marie-Thérèse Toutant, Conseillère en défense des droits
En premier lieu, je désire vous partager que ma contribution à ce journal est mue par une conviction profonde de l’importance à soutenir l’appropriation du pouvoir des personnes directement concernées par une situation de pauvreté reliée ou non à un problème de santé mentale.
Mon savoir expérientiel, au sujet de l’exclusion citoyenne, motive tout mon engagement militant. Je possède un long cheminement en tant que citoyenne engagée au sein du milieu communautaire. Je comprends le grand besoin de reconnaissance du potentiel des gens exclus. Je crois également à l’importance de la démocratisation de nos instances administratives et décisionnelles. La faible estime de soi découlant du jugement collectif et de l’impact de la pauvreté requiert une restructuration de soi par une implication citoyenne. Le milieu communautaire permet ainsi de prendre part à la transformation sociale.
D’autre part, le savoir étant la clé de la liberté citoyenne, la transmission de celui-ci s’avère essentielle. Les personnes doivent connaître les différents programmes sociaux, les lois et les politiques concernant leur vie en tant que personnes vivant la pauvreté. Je crois qu’un profond travail de conscientisation et d’éducation populaire AVEC ces personnes devra se poursuivre au sein des milieux communautaires, municipaux, éducatifs, de santé et des services sociaux, gouvernementaux et politiques sur tout le territoire du Québec. D’une manière continue et rigoureuse, il faudra relancer les divers milieux pour qu’ils accueillent les présentations publiques réalisées AVEC des personnes vivant la réalité de la pauvreté. Ces personnes, outillées adéquatement pour présenter leur savoir expérientiel, pourront influencer ces différents partenaires. Ainsi l’inclusion de ces personnes, en tant que participantes au sein de leurs instances décisionnelles respectives, aura lieu.
D’un point de vue plus personnel, je suis une personne ayant vécu la pauvreté dès l’enfance. Pendant plusieurs années j’étais, aux yeux de ma communauté, une « BS ». Je connais bien les ravages intérieurs d’un tel état. Atteinte directement au cœur et dans mon estime personnelle, j’ai dû me reconstruire par une participation citoyenne active qui m’a permis de reconnaitre mon potentiel. Exclues, jugées, isolées, dénigrées et appauvries, en tant que personnes assistées sociales, nous perdons souvent le sens de notre vie. Ainsi, par l’expérience d’un engagement militant au sein d’instances décisionnelles communautaires, j’ai compris que je ne devais pas porter individuellement la responsabilité de mon état. Par la connaissance d’une réalité collective et sociopolitique, nous développons un savoir permettant la construction d’une cité inclusive. En m’appropriant mon pouvoir de citoyenne, j’ai expérimenté le pouvoir de la parole. J’ai également réalisé que la solidarité entre les pairs favorisait la mise en valeur de la justice sociale.
Profondément atteinte par cette réalité de dépendance, je me suis bâti une réputation liée à ma perseverance, à ma ténacité et à mon militantisme axé vers le bien commun. Mon expérience difficile a suscité en moi un sentiment d’urgence me poussant à développer de meilleures conditions de vie pour mes concitoyens appauvris par une conjoncture politique organisée par une certaine “élite”.
Marquée au fer rouge par le regard accusateur de certains personnages publics qui clament leur ignorance au sujet des raisons qui influencent une situation de pauvreté, je ne lâcherai jamais ma démarche d’instruction populaire. Depuis plusieurs années, j’occupe différentes fonctions au sein de conseils d’administration. Je possède également un long cheminement de porteparole en tant que présidente de diverses causes. Nommée par le Conseil des Ministres pour devenir membre du Comité de la Santé Mentale du Québec, j’ai participé à l’élaboration d’un ouvrage que j’ai intitulé « Au-delà des troubles mentaux, la vie familiale. Regard sur la parentalité » publié aux Éditons du CHU Ste-Justine en 2006.
Finalement, en tant que mère de 4 enfants et aidante naturelle pendant 40 ans, j’ai démontré la force que procurent de fortes convictions citoyennes, alors, que des professionnels de tout acabit me proposaient « la parentectomie » en plaçant mes enfants et mon conjoint, j’ai “résisté”. J’ai choisi de respecter mes principes de liberté malgré une situation difficile influencée par la maladie mentale d’un proche. Ainsi, lorsque je présente ma vision dans le cadre de mes conférences, j’appuie mon propos sur une pratique-terrain. Je connais profondément les effets dévastateurs de l’ignorance. Mes valeurs familiales, mon intérêt pour le respect inconditionnel envers notre liberté citoyenne, la reconnaissance sociale de l’apport des aidants naturels et des autres exclus soutiennent ma prise de position favorable envers mes pairs, les personnes non reconnues par notre système néolibéral.
Tous ces acquis répertoriés dans mon cheminement de vie personnelle et professionnelle ont permis une ouverture vers l’autre, vers la différence. Ainsi, qu’importe la fonction, le titre ou le statut d’une personne, je considère que tous les êtres humains sont susceptibles de pouvoir participer à un changement social vers des valeurs plus égalitaires! Maintenant, c’est votre tour de vous impliquer afin de transformer votre cité!